samedi 13 août 2011

The Tree of Life



J'avais beaucoup aimé "The Thin Red Line", pour ses partis pris esthétiques et narratifs clairs et efficaces, et aussi parce que c'était un anti "Saving Private Ryan", film racoleur et hypocrite. "The Tree Of Life" de Terrence Mallick ne m'a pas entièrement convaincu. Je ne sais pas trop quoi en penser, mais je suis quand même content de l'avoir vu.

Ce que j'ai aimé
- Une oeuvre ouverte, non-dogmatique. Le film se garde d'asséner ses vérités ou ses croyances. On ressort du film avec plus de questions que de réponses, c'est toujours le signe d'une bonne œuvre d'art.
- La narration non conventionnelle. J'aime ce parti pris, mais ça ne veut pas dire que j'aime le résultat (lire ci-dessous).
- Qu'on ne sait jamais où le film va nous amener. C'est assez rare pour être souligné. Mais il y a un revers de la médaille: si il est parfois grisant de se laisser bercer par cette ballade, (errance?), ce flot d'évènement doux et violents, on a quand même après quelques temps envie de de voir émerger un fil conducteur un peu plus fort.
On comprends le parti pris: c'est une analogie avec la vie.
- Une histoire racontée à travers les souvenirs d'adolescent. OK, mais quel écho particulier ont ces souvenirs à l'âge adulte? Pourquoi certain souvenirs et pas d'autres? On ne sait pas trop quoi en faire.
- Visuellement, la photographie est assez travaillée. Le mouvement perpétuel de la camera dans la première demi-heure participe à cette sensation grisante dont je parlais. L'esthétique du film est très cohérente, et pas chromo du tout, comme l'ont laissé croire certaines critiques. On Pense à 2001, à Koyannisqatsi et à Mattew Barney. C'est riche en références visuelles tout en préservant une signature unique.
Les images oniriques sont assez bien réalisées et plairont au public. Le film se rend inaccessible par certains égards, par d'autres, comme la retranscription des rêves, il parlera à tout le monde.

Ce que je n'ai pas aimé:
- Le film part un peu dans toutes les directions. Dans la première partie le format ressemble à un rêve, souvenir, hallucination façon 2001 L'Odyssée De L'Espace, puis on passe à une séquence qui semble raconter l'origine des temps. Plus tard on a presque à faire à un film psychologique analysant les équilibres de pouvoir, les liens affectifs au sein d'une famille.
Le plus intrigant restera pour moi le passage des dinosaures, très difficile à relier au reste.
-  Difficiles articulations entre les différentes parties du film. Déstabilisant parce que cela ne permet pas de maintenir un intérêt, on repart à chaque fois de zéro et après une quart d'heure dans la nouvelle séquence on ne comprends toujours pas où Mallick veut en venir, et cela ne permet pas d'expliquer comment chacune des parties contribue à l'ensemble. On a entre chaque partie une ponctuation, l'image d'un big bang ou vision in utero, image abstraite en tout cas qui signe un recommencement.
- Une compilation de souvenirs, qui ne mènent à rien. La beauté de ce film est d'être ouvert et de ne répondre à aucune questions, mais techniquement parlant, mettre à la suite des souvenirs, sans apporter aucun indice ni fil conducteur est très déroutant. On a l'impression que Mallick a fait un film pour se faire plaisir, comprenne qui pourra, qui m'aime me suive... C'est le débat de l'œuvre expérimental, d'art et de l'œuvre commerciale.
- Visuellement le film n'a que très peu de défaut, sinon l'utilisation parfois répétitive des partis pris. Le grand angle, les contre-plongées omniprésents pour magnifier, déifier le père ne sont pas des plus original. Le thème de l'échelle non plus.


Alors quelle était l'ambition de ce film? Certainement pas de répondre à des questions métaphysiques. Ceux qui attendaient des réponses et des certitudes sur leur vie seront déçues. Les critiques feront des procès d'intention, reprocheront au film d'être faussement philosophique, je ne crois pas que ce fût jamais son ambition. Comment répondre à de telles questions en 2 heures, et avec très peu de dialogue?
Le film s'inscrit dans un registre très personnel, celui du souvenir, des sens et des émotions, difficile à partir de là de proposer une réflexion philosophique, et c'est tant mieux.

Finalement, si l'on considère The Tree Of Life comme un film sur la famille, c'est un film réussi. En ce qui concerne le questionnement sur Dieu et la création de l'univers, on peut le trouver déplacé. On a pas besoin de réponses quand on a une famille.

mardi 9 août 2011

Ambiance délétère #3

Londres en feu depuis 4 jours. Des scènes de guerre. Immeubles et voitures en feu, magasins pillés,...
Tottenham, puis Croydon, Brixton, Lewisham, Camden, Hackney, Ealing, puis Birmingham, Manchester, Leeds.





























Société bouc-émissiaire
Les médias mettent en exergue la frustration des jeunes, le manque d'opportunités, de futur, les inégalités croissantes comme raisons principales de leur violence. On a aussi mentionné la mort d'un jeune homme appartenant à une communauté ethnique comme possible déclencheur.
Bref, on s'interroge sur les échecs de la société civile, la plaçant au premier rang des accusés dans ces évènements dramatiques, au même rang que les émeutiers! Que l'on fasse son autocritique est louable, mais que l'on puisse à ce point adopter une position d'auto-dénigration, qui va jusqu'à faire porter le fardeau de la faute à tout un peuple, un pays, ses institutions est auto-destructeur. C'est une abdication, une soumission, une lâcheté.

Idéologie
Si l'on se focalise autant sur ce type de cause c'est parce que les médias, les hommes politiques et disons-le la majorité de l'opinion, influencé par les thèses progressistes (de gauche comme de droite), ne réfléchissent plus qu'au travers du prisme de l'idéologie. Chacun pousse ses pions et veut interpréter les événements en fonction de ce qui pourra étayer une thèse, la sienne en particulier. Les uns blâmeront l'immigration, le multi-culturalisme, les autres l'ultra-libéralisme et les inégalités sociales qu'il a engendré.

Tout va bien, surtout gardez les yeux bien fermés...
Sans vouloir nier la réalité de ces causes mécaniques, directes, il faudrait s'intéresser à d'autres causes.
On a vite fait d'exploiter les failles du système, des institutions: c'est facile, personne n'est vraiment responsable. On évite d'accuser. Mais les causes extérieures aux individus sont la forêt qui cache l'arbre.


Empathie
La première erreur consiste à croire que les gens autour de nous agissent avec raison, et avec un motif. On projette sur les autres. C'est assez naturel dans l'élaboration d'une réflexion. La raison des uns a du mal à s'accommoder de la folie des autres. Il faut rationaliser, et il est plus rassurant pour l'esprit humain d'élaborer une théorie du complot farfelue mais argumentée, que de contempler dans l'abîme: l'absence d'explication, l'absence de raison, la folie humaine.
On croira donc que ces jeunes ont des raisons de manifester -fût-ce violemment- leur mécontentement: ils sont brimés par la police, frustré par la société, ont vécu des enfances difficiles sans amour, et sont défavorisés économiquement.
On croira aussi qu'ils ont une revendication politique. Quoi de plus naturel? Après tout, même le terroriste revendique quelque chose, un idéal politique. Le geste terroriste a toujours une fonction, même si il est incompréhensible pour les démocrates, citoyens. Avec la cure d'austérité que le Royaume-Uni s'est imposé depuis plus d'un an, l'action et la revendication politique sont plus que d'actualité.

Mais on peine à rattacher ces violences à des revendications, on peine même à les expliquer par des motifs: certains des jeunes qui pillaient ces derniers jours sont issus de classes moyennes, par forcément défavorisés économiquement.

Alors quoi?

Le vide.

Le vide existentiel, le désoeuvrement, l'absence de dessein "expliquent" ces actions. Un grand nombre de jeunes répondront qu'il ne savaient pas ce qu'ils faisaient, pourquoi ils le faisaient.

Ce qui est préoccupant ce n'est pas les conditions que la société a créées (misère économique, sociale, psychologique...) mais la faillite à armer les citoyens contre ces aléas. Le désoeuvrement a sans doute toujours existé, mais on a jamais vu un tel déchainement de violence de la part d'individus si jeunes.
Le manque de référence, de garde fous (moraux?), peut-être le matérialisme (pas en tant que besoin de consommer, mais la négation du spirituel) sont également des explications de cette crise.


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Add. Rôle modérateur ou partisan des médias?
Le Monde fait un article hier sur la vision très exagérée des évènements dans les comptes rendus télévisuels ou journalistiques.  http://abonnes.lemonde.fr/europe/article/2011/08/08/londres-l-ampleur-que-cela-prend-dans-les-medias-est-disproportionnee_1557444_3214.html
La Reppublicca (Italie) relativise beaucoup la question ethnique en postant des photos de britanniques blancs. 
On peut s'interroger sur le fait qu'en modérant leur propos, et en éludant la question ethnique ils ne causent pas en fait un mal plus grand: le déni des problèmes et la frustration qu'il engendre mécaniquement. Modérateur? À court terme oui, mais à long terme, on pourra dire que les médias de centre gauche ont en fait soufflé sur les braises.